Pourquoi collaborer avec les collègues ?

Dans un dispositif d’accueil d’élèves réfugiés ou nouvellement arrivés, les rôles et les responsabilités des enseignants de langue et de la classe ordinaire doivent être pensés et négociés (Miller, Mitchell & Brown, 2005 i; Goï, 2015i). L’organisation pédagogique doit être adaptée. Par exemple les enseignants peuvent adopter une approche en spirale pour vérifier les acquis d’apprentissage et combler les lacunes des élèves ; des gestes d’étayage (Gibbons, 2015)iet un projet d’accompagnement peuvent être définis sur base d’évaluations diagnostiques des compétences, en langue(s) mais aussi dans les matières scolaires (voir par exemple ce Prezi qui répertorie des outils d’évaluation en langue d’origine ou non verbaux):

Le positionnement individuel de l’élève

Évaluation en mathématiques en langue d’origine (CASNAV d’Aix-Marseille, de Lille et CANOPE) Évalue les mathématiques en langue maternelle “Là où sont nos paires” Disponible en 30 langues (CASNAV de Marseille) Disponible dans 5 niveaux (pour des élèves de 6 à 15 ans) Test de

Les enseignants peuvent travailler avec un lexique multilingue, simplifier et expliciter des consignes, organiser des ateliers d’expression orale et artistique, proposer des exercices de graphisme…

Mais souvent, les enseignants de classe ordinaire ne sont pas préparés pour travailler avec des élèves de cultures et de langues diversifiées (Gándara, Maxwell-Jolly en Driscoll, 2005i; Premier en Miller, 2010i); et inversement, les enseignants de langue ne maitrisent pas la matière et la langue de spécialité (on parle de littéracie mathématique ou scientifique).
Pour surmonter ces difficultés, la collaboration entre enseignants peut être un bon moyen de faire profiter les élèves des compétences et des savoirs professionnels de l’équipe pédagogique, en particulier dans la classe ordinaire.

Une “communauté de pratique”

La notion de « communauté de pratique » (Kelikwele Bense, 2016)iest centrale dans ce type d’approche. Elle est très développée en Amérique du Nord où les enseignants sont encouragés à collaborer et à coopérer.
Qu’est-ce qu’une communauté de pratique ?
Pour Bryk (2017)i, il s’agit de « briser les murs de pratiques solitaires et créer des espaces sûrs où les professeurs partagent et apprennent les uns des autres ». Ce sont des espaces plus ou moins formels de développement professionnel des enseignants, dans le but d’améliorer les compétences des élèves à long terme. Les enseignants partagent pour mieux faire face aux difficultés qu’ils rencontrent et construire des savoirs communs.
De plus, le travail collectif peut alléger la charge de travail quotidienne.

Premier et Parr (2019)iont montré leur efficacité pour répondre aux besoins des élèves réfugiés ; Creese (2010)i constate aussi un impact positif de la collaboration entre enseignants sur l’apprentissage de la langue par les élèves. Bell & Baecher (2012)i expliquent que des écoles publiques au Minnesota ont été reconnues pour l’amélioration des résultats obtenus par les élèves allophones après la mise en œuvre d’un modèle collaboratif (Pardini, 2006) ; dans une école primaire des États-Unis, une étude longitudinale (York-Barr, Ghere & Sommerness, 2007)imontre aussi des effets significatifs de la collaboration inter-enseignants sur la réussite des élèves allophones.

Hue Nguyen (2020) a étudié les pratiques enseignantes collaboratives interdisciplinaires (enseignants d’anglais langue étrangère et de sciences au secondaire) pour des élèves réfugiés en Australie : planification conjointe des cours, développement de ressources didactiques et coenseignement. L’étude montre que des espaces de médiation structurés ont permis de répondre plus efficacement aux besoins des élèves réfugiés dans les classes ordinaires. L’enseignante de langue a été capable d’identifier les éléments linguistiques problématiques pour les élèves dans le cours de sciences, qui doivent faire l’objet d’explications et d’un atelier d’enseignement préalable ; de concevoir des ressources pour soutenir les élèves ; et inversement, d’aider l’enseignante de sciences à adapter son enseignement aux besoins de ses élèves (adaptation du matériel et des consignes grâce aux annotations de l’enseignante de langue). Ces pratiques collaboratives ont eu un effet sur l’apprentissage des élèves réfugiés dans la classe ordinaire.