Introduction
Afin d’expliquer ce qu’implique une transition et quel est son effet sur la trajectoire scolaire des élèves, il est important de comprendre d’abord les objectifs de l’éducation. L’un des principaux objectifs de l’éducation est de développer un niveau d’alphabétisation élevé. Comment définissons-nous l’alphabétisation? Selon la définition de l’UNESCO, dans le plus récent rapport d’Alidou et Glanz (2015) (Alidou and Glanz (2015) i),
“[…] literacy is the ability to identify, understand, interpret, create, communicate and compute, using printed and written materials associated with varying contexts. Literacy learning is a continuum, enabling individuals to achieve their goals, develop their knowledge and potential and participate fully in the community and wider society.” (UNESCO, 2003: 21 i)
Traduction: “[…] l’alphabétisation est la capacité d’identifier, de comprendre, d’interpréter, de créer, de communiquer et de calculer, à l’aide de documents imprimés et écrits liés à divers contextes. L’apprentissage de l’alphabétisation est un continuum qui permet aux individus d’atteindre leurs objectifs, leurs connaissances et développer leur potentiel et participer pleinement à la communauté et à la société en général.”
En d’autres termes, développer l’alphabétisation dépend de la continuité. L’objectif de la continuité de l’enseignement des langues est le développement cumulatif des langues tout au long de la vie, afin que les points de profit ne diminuent pas ou ne soient pas perdus en raison de changements dans les institutions (par exemple les écoles) ou les responsables (par exemple les enseignants). Il existe trois principaux types de continuité (voir Herzog, Le Pichon and Siarova, (2017) i, à savoir :
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Continuité biographique : la coopération entre les établissements d’enseignement, mais aussi les différents environnements éducatifs dans lesquels l’enfant évolue, tels que ses parents ou les travailleurs sociaux ;
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Continuité thématique : comprend un niveau cohérent et approprié de matériel d’étude pour les élèves ;
- Continuité plurilingue : comprend la prise en compte des aptitudes et compétences plurilingues des élèves et l’utilisation de ces aptitudes et compétences pour améliorer les compétences académiques.
Cependant, la continuité de l’éducation est interrompue par des transitions, telles que la transition de l’enseignement primaire au secondaire dans un lieu différent, avec des enseignants, des matières, des règles et des attentes différents. Quelle que soit la différence des systèmes éducatifs des différentes institutions, l’entrée dans le système scolaire formel peut avoir un impact significatif sur l’adaptabilité d’un enfant et de sa famille (Griebel (2006) i). Une telle transition éducative n’est pas nécessairement négative : elle peut être comparée à un autre type de transition, à savoir le déménagement. Ce processus n’est pas toujours nocif pour un enfant, mais il peut s’accompagner de difficultés et être vécu comme stressant. Il est important de mentionner que les nouveaux arrivants se déplacent très souvent : entre 1 et 2 fois par an (Country Report Flanders: version anglaise; Country Report Finland: version anglaise) et 5 à 7 fois par an (LOWAN, persoonlijke communicatie), selon le pays dans lequel ils se trouvent.
Les transitions sont des processus de transformation distincts des enfants et de leurs familles, stimulés par des discontinuités à différents niveaux sociaux et culturels. Ils aboutissent à l’expérience biographique d’une identité changeante (Griebel & Niesel (2003) i; (Niesel & Griebel (2007) i). Il existe deux types de transitions, celles-ci sont horizontales et verticales :
- Les transitions horizontales traitent des changements de l’environnement au cours d’une journée (cf. Johansson, 2007) i);
- Les transitions verticales concernent les changements au sein des établissements d’enseignement segmentés (Griebel & Sassu, (2013: 324) i). Une transition éducative verticale, comme le lien entre la famille en tant que contexte de développement primaire et l’environnement scolaire en tant que contexte de développement secondaire, nécessite une adaptabilité et entraîne des changements d’identité, de relations et de rôles (Griebel & Sassu, (2013: 324) i). La transition entre l’enseignement primaire et secondaire, par exemple, incite l’enfant à développer de nouveaux aspects identitaires et à grandir émotionnellement et socialement. Il est différent d’être un élève du primaire et d’être un lycéen (Griebel & Sassu, (2013) i).
Pour plus d’informations sur les difficultés éventuelles des transitions, consultez l’article de Yeboah (2002i). Il cite des recherches antérieures qui parlent d’une transition réussie lorsque l’enfant passe d’une phase éducative à l’autre sans difficultés graves (Yeboah (2002: 52)). L’enfant doit être prêt pour la transition au niveau émotionnel, psychologique, physique et intellectuel.
Cet article examine également plusieurs facteurs, tels que le statut socio-économique (Kontos et al., 1997 i; Elliot, 1998 i), l’origine ethnique et linguistique (Kontos et al., 1997 i; Smith, 1992 i, pour la Nouvelle-Zélande; Glover, 1994 i, pour l’Australie) et la participation des parents (Wolbers, 1997 i; Watson, 1979 i) pour mettre en évidence le rôle que jouent ces facteurs dans une transition réussie. Bon nombre de ces facteurs nécessitent une attention particulière de la part des élèves (plurilingues) pour favoriser une transition réussie. Par exemple, un élève ayant une situation familiale difficile est très vulnérable. Cela peut être un problème important pour les élèves arrivant dans un nouveau pays, surtout si la migration est due à des raisons malheureuses telles que la persécution politique ou religieuse, la guerre, etc.
Nouveaux arrivants par rapport aux autres élèves
À l’école, un élève devra faire face à un certain nombre de transitions : de la maison à l’école, du groupe de jeu à l’école primaire, de l’enseignement primaire au secondaire et de la transition annuelle à un autre groupe au sein de l’école. Ce sont des exemples de transitions verticales. En plus de cela, les nouveaux arrivants peuvent également avoir à faire face à un grand nombre de transitions supplémentaires : de leur pays d’origine à un autre pays (qui n’est pas nécessairement leur destination finale), du lieu d’arrivée à un accueil assigné, une relocalisation possible vers un autre accueil et du garde d’enfants à l’école (où ils ne parlent pas la langue et ne connaissent pas la culture). Même à leur arrivée dans le pays d’accueil, ces élèves peuvent être hypermobiles à plusieurs niveaux. Ceci est important à noter car il implique un frein intrinsèque au continuum nécessaire à l’alphabétisation. Ainsi, la population est hypermobile horizontalement (de pays en pays, d’école en école), mais, en raison de ces interruptions et de l’alphabétisation réduite qui peut en découler, ces élèves sont bloqués pour atteindre leur véritable potentiel socio-économique (Le Pichon, 2016 i).
Les questions que nous posons sont donc les suivantes :
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Comment l’école peut-elle assurer la continuité des élèves confrontés à un nombre accru de transitions?
- Comment la direction de l’école peut-elle soutenir une vision globale de l’alphabétisation des élèves plurilingues et prendre en compte des histoires de migration complexes ?
Dans certaines situations, les élèves peuvent participer directement en classe, comme en Finlande (Rapport de Finlande - version anglaise) et dans certains cas aux Pays-Bas (Rapport des Pays-Bas - version anglaise). Il arrive cependant que les nouveaux étudiants soient placés séparément dans une classe d’accueil, à temps plein, comme souvent aux Pays-Bas (Rapport des Pays-Bas - version anglaise) ou à temps partiel, comme en Belgique (Rapport de Flandres - version anglaise Rapport de Belgique francophone - version française). En séparant les nouveaux élèves des autres enfants, une transition supplémentaire est nécessaire : celle de la classe d’accueil à l’enseignement ordinaire. Il est donc nécessaire de s’assurer que les processus de transition se déroulent le mieux possible pour assurer la continuité verticale. Peu d’études comparent les deux méthodes d’intégration. L’étude la plus récente est celle de Harklau (1994) i. Pendant 3,5 ans, Harklau a examiné les différences entre les étudiants qui ont directement participé à l’enseignement ordinaire et les étudiants qui sont d’abord allés dans une classe de langue distincte. Dans cette étude, elle a comparé :
- l’acquisition de la langue ;
- la manière dont la nouvelle langue (en l’occurrence l’anglais) a été proposée ;
- et les conséquences socio-émotionnelles de chaque approche.
L’étude a été menée dans une école qui avait des classes séparées pour les élèves nouvellement arrivés. Les résultats ont montré que les élèves qui allaient directement en classe régulière bénéficiaient d’un apport linguistique plus authentique et plus pertinent. Les élèves des cours de langue ont reçu moins d’informations de ce type. Cependant, pour les élèves intégrés en classe ordinaire, il y avait moins de temps pour l’interaction, la rétroaction et l’enseignement supplémentaire. De plus, il était difficile pour les nouveaux étudiants d’établir des contacts sociaux. Il a été conclu qu’aucune des deux situations n’était idéale en raison du fait que l’éducation se concentre trop sur les locuteurs monolingues. Par conséquent, chaque système doit tenir compte des avantages et des inconvénients des élèves monolingues et plurilingues.
Pour créer une transition constructive et en douceur, et assurer une continuité verticale, une planification collaborative entre les institutions est nécessaire. Avec la coopération et le soutien de toutes les parties concernées : parents (ou proches), enseignants, chefs d’établissement et élèves eux-mêmes. Ces parties doivent être activement impliquées dans l’éducation de l’enfant. Des contacts réguliers entre les parties prenantes sont nécessaires et il devrait également y avoir une communauté scolaire active.